On lit parfois qu’il faudrait boire 8 verres par jour, soit environ 2 litres d’eau pour maintenir un bon statut d’hydratation. Mais qu’en est-il vraiment
L’eau, liquide indispensable à notre vie
Notre organisme est constitué d’une part importante d’eau, qui représente 75 % du poids à la naissance et diminue jusqu’à environ 55 % chez la personne âgée. Un déficit en eau de 20 % suffit à mettre notre vie en danger
Un équilibre hydrique conditionné par les apports en eau et les processus d’élimination
La quantité d’eau présente à un instant donné dans notre corps dépend des apports et des pertes en liquides. Du côté des apports, se trouve bien sûr l’eau que nous buvons directement, sous une forme pure ou dans des boissons. S’y ajoute le contenu en eau de nos aliments, certains comme les fruits et légumes en sont particulièrement pourvus. On estime que 20 à 25 % de nos apports quotidiens en eau sont issus de l’alimentation
Les réactions chimiques qui se déroulent au sein de notre organisme peuvent également générer la précieuse molécule d’H2O, qui va s’ajouter au stock disponible
Plusieurs processus participent aux pertes en eau : le simple fait de respirer, la transpiration et le rejet d’eau avec les urines et les selles. Leur niveau varie selon nos caractéristiques propres (sexe, corpulence…), les conditions climatiques ou le niveau d’activité physique.
Les conséquences de la déshydratation
Le degré d’hydratation de l’organisme est un paramètre crucial pour notre bien-être, dont dépend nos performances intellectuelles et physiques.
La déshydratation perturbe la performance et les perceptions
Une étude menée au sein de l’université du Connecticut par le Professeur Armstrong auprès de 25 jeunes femmes a par exemple montré qu’une déshydratation de seulement 1,36 % lors d’une session de sport conduit à une altération de l’humeur, une augmentation de la perception de la difficulté associée à l’accomplissement d’une tâche, des problèmes de concentration et des maux de tête.
Un statut hydrique qui n’est pas optimal impacte les capacités d’endurance et conduit à une diminution de la force et de la puissance dans le cadre des pratiques sportives.
L’hydratation est un paramètre important dans le contrôle du poids
Par ailleurs, boire suffisamment apparaît crucial pour contrôler son poids. Les adolescents obèses ou en surpoids ont une plus faible consommation d’eau que les adolescents de poids normal. La consommation d’une bonne quantité d’eau facilite la perte de poids dans le cadre d’un régime amincissant.
La consommation d'une quantité suffisante d'eau facilite la perte de poids
La consommation d’une quantité suffisante d’eau facilite la perte de poids
La déshydratation impacte la santé de nombreux organes
Un manque d’hydratation pourrait aussi avoir des conséquences sur notre santé cardiovasculaire. Des données suggèrent en effet qu’il provoque une inflammation, contrarie le fonctionnement des vaisseaux sanguins et perturbe la régulation de la pression sanguine, favorisant potentiellement l’hypertension artérielle.
Une équipe de l’Institut national américain du cœur, des poumons et du sang à Bethesda dans le Maryland (États-Unis) a étudié les conséquences d’un déficit chronique en eau tout au long de la vie chez la souris. Les chercheurs ont constaté que la privation du précieux fluide promeut les phénomènes inflammatoires et la coagulation sanguine et accélère l’apparition de dommages au niveau de différents organes : cœur, reins et cerveau. Avec au final une espérance de vie réduite pour ces animaux.
Un mécanisme sophistiqué régule la soif
Face aux risques que représente la déshydratation pour notre organisme, ce dernier dispose d’un réseau complexe de messagers, hormonaux pour certains, pour la prévenir. L’objectif est double : déclencher la sensation de soif pour nous encourager à reconstituer le stock et limiter au maximum les pertes.
La soif correspond au signal émis par notre organisme pour nous signifier son besoin de liquide. Elle survient quand l’osmolalité du sang, qui reflète sa concentration en particules, augmente. En effet, ceci signifie que le sang est trop concentré, autrement dit qu’il n’y a pas assez de liquide pour le diluer.
La vasopressine permet d’économiser l’eau au sein de l’organisme
Des cellules spécialisées présentes au niveau de l’hypothalamus (une glande du cerveau) vont alors stimuler le relargage de la vasopressine, l’hormone antidiurétique. La quantité de vasopressine libérée est d’autant plus importante que le sang est concentré en particules. Elle agit directement sur le rein, lui intimant de réduire les pertes en eau en concentrant les urines
Par ailleurs, le manque d’eau dans l’organisme entraîne une diminution du volume sanguin ; cette baisse est détectée par des capteurs présents au niveau de la paroi des vaisseaux sanguins, qui relaient le message au cerveau pour déclencher la sécrétion de la vasopressine.
L’organisme réagit et s’adapte à la variation de volume du sang
Les reins possèdent également des capteurs capables de détecter cette baisse de volume du sang, qui gouvernent la libération d’une enzyme dans le sang, la rénine. Elle permet la formation de l’angiotensine I, elle-même transformée en angiotensine II, qui va adapter le diamètre des vaisseaux sanguins au flot de sang, en diminuant leur calibre. Cela provoque par ailleurs une augmentation du niveau d’aldostérone dans le sang, limitant les pertes en sodium au niveau des reins et commandant la libération de vasopressine.
Ces mécanismes permettent donc de réduire les pertes en eau et nous signalent qu’il est grand temps de boire. Une perte de 1% d’eau suffit à augmenter la concentration du sang en solutés et donc de déclencher la sensation de soif. Boire conduit à diluer le sang et augmenter le volume sanguin dans les vaisseaux, ce qui freine la libération des différents acteurs évoqués. La sensation de soif disparaît temporairement
Doit-on boire avant d’avoir soif ?
Pourtant, certains nous l’assurent : il faudrait boire avant d’avoir soif car il serait déjà trop tard lorsque nous ressentons ce signal. Les données scientifiques ne permettent pas d’étayer cette croyance, et confirment plutôt que le mécanisme est bien rodé.
Des chercheurs ont par exemple montré que lorsqu’on a accès à de l’eau, on boit de façon spontanée avant que notre organisme ne souffre des conséquences de pertes de liquide.
Chez les personnes en bonne santé, il est donc conseillé de boire lorsqu’on en ressent le besoin plutôt que de se plier à une recommandation plus ou moins fondée. La situation se complique dans certaines situations, où les mécanismes régulant l’hydratation sont défaillants.
Les personnes âgées exposées au risque de déshydratation
La déshydratation est un problème très fréquent chez les aînés. En effet, au cours du vieillissement, plusieurs phénomènes s’additionnent et menacent l’équilibre hydrique.
Une équipe de recherche de l’université Johns Hopkins de Baltimore (États-Unis) a montré qu’après une privation d’eau de 24 h, des hommes âgés ressentent de façon moins intense la sensation de soif que des jeunes hommes. Le signal émis par le corps pour intimer de boire est ainsi plus ténu chez les aînés, et donc plus facile à ignorer.
D’autre part, les reins perdent de leur capacité à éviter l’élimination de liquide par les urines, même s’il vient à manquer. La vasopressine devient en effet moins efficace lors du vieillissement.
Le manque hydratation chez les aînés pourrait avoir des conséquences très néfastes ; certains spécialistes émettent l’hypothèse de sa responsabilité dans la survenue de démence, associée à la maladie d’Alzheimer par exemple.
Les personnes âgées sont particulièrement sujettes au risque de déshydratation
Les personnes âgées sont particulièrement sujettes au risque de déshydratation
Certaines maladies ou traumatismes provoquent la perte de sensation de soif, ou adipsie
En dehors du contexte du vieillissement, la perte de la sensation de soif (un symptôme appelé adipsie) peut se manifester lors de certaines situations pathologiques. Elle survient lorsque l’hypothalamus, le chef d’orchestre qui commande la soif, est endommagé à cause d’un traumatisme crânien, d’une maladie cérébrale (une tumeur se développant dans cette région du cerveau par exemple) ou en conséquence d’une intervention chirurgicale
Dans ces circonstances, il devient indispensable de s’imposer de boire à intervalles réguliers pour éviter de se déshydrater.
Une soif impossible à étancher : la polydipsie
Au contraire, dans certaines circonstances, une soif intense est ressentie (on parle de polydipsie). Le diabète insipide, une maladie associée à une défaillance dans la sécrétion de vasopressine, provoque généralement une soif excessive. Toutefois, dans de rares cas, elle est accompagnée de la perte de cette sensation.
Le diabète provoque souvent une soif intense en absence de traitement, un signe qui permet souvent la découverte de la maladie. Une affection rénale ou hormonale, des dommages au niveau du cerveau, la prise de certains médicaments (antidépresseurs, médicaments anticholinergiques…) sont autant de facteurs qui peuvent contribuer à augmenter la soif.
Boire trop d’eau comporte-t-il des risques pour la santé ?
Si un manque d’eau menace notre santé, la consommer en quantité trop importante peut se révéler tout autant néfaste :
L’hyponatrémie : un excès de dilution du sodium dans le sang
Une hydratation excessive peut en effet conduire à une hyponatrémie, une situation où le taux de sodium dans le sang chute en dessous d’un certain seuil. Surviennent alors des maux de tête, des nausées et vomissement, des crampes, des convulsions, une perte de conscience… Dans les cas les plus sévères, l’hyponatrémie peut entraîner le décès.
Cette situation est rare, car les reins sont en mesure d’évacuer l’eau ; mais jusqu’à un certain point cependant. On estime en effet que les capacités de filtration maximum des reins chez un adulte en bonne santé sont de 800 ml à 1 L par heure.
Certaines situations peuvent conduire à une intoxication à l’eau
Une hyponatrémie à l’origine de symptômes légers peut apparaître dès la consommation de 3 à 4 litres d’eau sur la journée. Des signes plus sévères surviennent avec des apports plus importants, surtout s’ils sont concentrés sur un temps court. Chez les enfants, la capacité de filtration des reins n’est pas optimale, et l’hyponatrémie peut survenir plus facilement
On rencontre cette situation d’intoxication par l’eau chez des personnes souffrant de troubles psychiatriques, parfois dans le cadre de maltraitance ou lors de certains traitements médicaux. Mais aussi chez des sportifs engagés dans des efforts prolongés. Boire au-delà de sa soif pour compenser la totalité des pertes en eau ne permet d’ailleurs pas d’améliorer les performances sportives et peut même occasionner des troubles gastriques.
Références :
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Wardlaw GM, Kessel MW, Perspectives in nutrition. 5th., Boston, MA: McGraw-Hill, 2002
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